Le Prix Jan Michalski de littérature 2021 est décerné à Memorial International, Alena Kozlova, Nikolai Mikhailov, Irina Ostrovskaya et Irina Scherbakova pour l’ouvrage collectif OST: Letters, Memoirs and Stories from Ostarbeiter in Nazi Germany.
Le Prix Jan Michalski de littérature 2021 est décerné à Memorial International, Alena Kozlova, Nikolai Mikhailov, Irina Ostrovskaya et Irina Scherbakova pour l’ouvrage collectif Знак не сотрется. Судьбы остарбайтеров в письмах, воспоминаниях и устных рассказах (Мемориа́л, 2016), traduit du russe en anglais par Georgia Thomson, sous le titre OST: Letters, Memoirs and Stories from Ostarbeiter in Nazi Germany (Granta, 2021).
Le jury a salué « le travail acharné pour le rétablissement de la vérité historique de l’organisation non gouvernementale russe Memorial International qui, à travers ce livre de référence documentant la destinée de millions d’Ostarbeiter, s’acquitte de la tâche complexe de préserver l’histoire orale de l’effacement et du détournement. En gardant la trace écrite de voix de la société civile dans un contexte où l’histoire se réécrit en fonction des enjeux politiques, l’ouvrage OST constitue une somme mémorielle essentielle à l’avenir de nos sociétés qui, pour affronter leurs défis actuels, se doivent de préserver leur mémoire et d’en faire bon usage. »
Lauréat·e
Le terme Ostarbeiter, littéralement « travailleurs de l’Est », désigne des citoyen·nes de l’Europe de l’Est, notamment d’Union soviétique, qui furent déporté·es, suite à l’occupation de leurs pays par l’armée nazie après 1941, pour être soumis·es au travail obligatoire sur tout le territoire du Troisième Reich. Ukrainien·nes, Polonais·es, Biélorusses, Russes, Tatar·es entre autres, âgé·es pour la plupart de moins de 18 ans, ils·elles furent entre 3 et 5 millions à avoir été envoyé·es comme main-d’œuvre dans des usines, des mines, des exploitations agricoles, ou encore dans des familles en tant que personnel de maison. Distingué·es des autres travailleur·ses forcé·es par l’insigne « OST » cousu sur leurs vêtements, ils·elles connurent, outre l’éloignement de leurs parents, des conditions de travail et de vie proches de l’esclavage – labeur harassant, hébergement dans des camps fermés et surveillés, sous-alimentation, manque d’hygiène et de soins, humiliations et punitions, malgré quelques témoignages d’actes bienveillants de la part de civil·es allemand·es.
Près de la moitié de ces adolescent·es étaient des jeunes filles, qui subirent également des violences sexuelles, d’où résultèrent des dizaines de milliers de grossesses non désirées. Beaucoup ont succombé à la famine, à l’épuisement, aux bombardements pour s’être vus interdire l’accès aux abris antiaériens, ou à d’autres abus lorsqu’ils·elles n’étaient pas sommairement exécuté·es par leurs gardien·nes de camps nazis.
À la fin de la guerre, plus de 2,5 millions d’Ostarbeiter furent rapatrié·es en URSS, où ils·elles durent affronter un double traumatisme. Aux prises avec un système stalinien totalitaire qui les soupçonna d’être des traîtres à la patrie, ils·elles furent soumi·ses à des interrogatoires dans des camps dits « de filtration », jugé·es et souvent condamné·es à diverses peines pour avoir « collaboré avec l’ennemi ». Certain·es furent envoyé·es au goulag à des fins de « rééducation » ; d’autres furent enrôlé·es dans l’Armée rouge ou dans des contingents de travailleur·ses affecté·es à la reconstruction de l’économie nationale. Ni considéré·es comme victimes, ni comme héro·ïnes de la Deuxième Guerre mondiale, ils·elles vécurent sous le poids de la peur et de la culpabilité, et furent l’objet de surveillance, d’opprobre et d’ostracisme social durant plusieurs décennies après leur retour. Et plus encore, ils·elles souffrirent d’un silence étatique sciemment orchestré.
C’est seulement dans les années 1990 que la question des Ostarbeiter trouve une place dans la sphère publique, à l’initiative tout d’abord des député·es vert·es du Bundestag allemand avant que l’organisation non gouvernementale russe Memorial, œuvrant pour la réhabilitation morale et juridique des personnes soumises aux répressions politiques en URSS, dans la Russie actuelle et les pays de l’ancien bloc de l’Est, ne travaille à leur reconnaissance.
En récompense du Prix Jan Michalski 2021, Memorial International, Alena Kozlova, Nikolai Mikhailov, Irina Ostrovskaya et Irina Scherbakova recevront une somme de CHF 50’000.- ainsi qu’une œuvre d’art choisie à l’intention de chacun·e : un dessin à l’encre de Chine de l’artiste Frédéric Pajak.
Biographie
Lauréat de l’Enlightener Prize 2017 en Russie et aujourd’hui du Prix Jan Michalski de littérature, le livre OST: Letters, Memoirs and Stories from Ostabeiter in Nazi Germany est le fruit d’un travail de longue haleine mené par Memorial International et ses collaborateur·trices qui ont réuni de nombreuses pièces d’archives – photographies, correspondances, journaux intimes – et enregistré des centaines d’heures d’interviews d’ancien·nes Ostarbeiter, afin de documenter de façon exhaustive ce que ces dernier·ères ont subi pendant leur captivité et vécu à leur retour dans leur patrie. Cet ouvrage qui compile, ordonne et contextualise l’ensemble des témoignages sort ainsi du silence un pan de l’histoire du XXe siècle et offre au destin tragique et complexe des Ostarbeiter une mémoire collective.
En récompense du Prix Jan Michalski 2021, Memorial International, Alena Kozlova, Nikolai Mikhailov, Irina Ostrovskaya et Irina Scherbakova recevront une somme de CHF 50’000.- ainsi qu’une œuvre d’art choisie à l’intention de chacun·e : un dessin à l’encre de Chine de l’artiste Frédéric Pajak.
Sélections
Deuils
Quai Voltaire, Paris, 2018
Proposé par Lídia Jorge
Знак не сотрется. Судьбы остарбайтеров в письмах, воспоминаниях и устных рассказах
Proposé par Ludmila Oulitskaïa
White Hot Light: Twenty-five Years in Emergency Medicine
Proposé par Siri Hustvedt
Deuils
Quai Voltaire, Paris, 2018
Proposé par Lídia Jorge
Знак не сотрется. Судьбы остарбайтеров в письмах, воспоминаниях и устных рассказах
Proposé par Ludmila Oulitskaïa
White Hot Light: Twenty-five Years in Emergency Medicine
Proposé par Siri Hustvedt
Les pianos perdus de Sibérie
Calmann-Lévy, Paris, 2021
Proposé par Vera Michalski-Hoffmann
Дебютант
Proposé par Carsten Jensen
Deuils
Quai Voltaire, Paris, 2018
Proposé par Lídia Jorge
Знак не сотрется. Судьбы остарбайтеров в письмах, воспоминаниях и устных рассказах
Proposé par Ludmila Oulitskaïa
White Hot Light: Twenty-five Years in Emergency Medicine
Proposé par Siri Hustvedt
Les pianos perdus de Sibérie
Calmann-Lévy, Paris, 2021
Proposé par Vera Michalski-Hoffmann
Дебютант
Proposé par Carsten Jensen
Trois anneaux : un conte d’exils
Flammarion, Paris, 2020
Proposé par Vera Michalski-Hoffmann
Tríptico da Salvação
Proposé par Lídia Jorge
Открывается внутрь
Proposé par Ludmila Oulitskaïa
Памяти памяти
Proposé par Tomasz Rozycki
Verzeichnis einiger Verluste
Proposé par Tomasz Rozycki
Qui a tué mon père
Proposé par Carsten Jensen
Gérard : cinq années dans les pattes de Depardieu
Proposé par Jul (Julien Berjeaut)
Une année exemplaire
Proposé par Jul (Julien Berjeaut)
L’homme surnuméraire
Proposé par Benoît Duteurtre
Les grands cerfs
Proposé par Benoît Duteurtre
El libro de Ana
Proposé par Siri Hustvedt
Jury
Vera Michalski-Hoffmann, Présidente du jury
Éditrice née en 1954, Vera Michalski-Hoffmann s’est investie pour promouvoir la littérature en créant le groupe éditorial Libella avec son époux Jan Michalski. Depuis 1987, de nombreux auteurs ont été publiés en français, en polonais et en anglais dans différentes maisons d’édition parmi lesquelles Noir sur Blanc, Buchet-Chastel, Phébus, Wydawnictwo Literackie ou World Editions. En 2004, Vera Michalski-Hoffmann crée la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature en mémoire de son mari afin de perpétuer leur engagement commun envers les acteurs de l’écrit, de soutenir la création littéraire et d’encourager la pratique de la lecture.
Jul (Julien Berjeaut)
Né en 1974, Julien Berjeaut, dit Jul, est un dessinateur de presse et auteur de bande dessinée français. Agrégé d’histoire, il enseigne l’histoire chinoise avant de se consacrer au dessin. Il collabore à de nombreux journaux, tels Le Point, Lire, L’Humanité, Philosophie Magazine, L’Echo des savanes, Fluide glacial, Charlie Hebdo, Le Nouvel Observateur, Marianne, Libération, Le Monde… En 2005, il se lance dans la bande dessinée avec l’album à succès Il faut tuer José Bové, où il raille les altermondialistes. En 2012, la série BD Silex and the City est adaptée en série d’animation sur Arte. Il participe comme dessinateur à des émissions télévisées (Le Grand Journal sur Canal+, La Grande Librairie sur France 5, 28 minutes sur Arte). En 2018, Arte diffuse 50 nuances de Grecs, inspirée de son album du même nom. Scénariste de Lucky Luke depuis 2016, Jul fait paraître en 2020 Un cow-boy dans le coton, qui aborde l’histoire de l’esclavage aux États-Unis.
Benoît Duteurtre
Né en Normandie en 1960, Benoît Duteurtre est à la fois romancier, essayiste et critique musical. Licencié en musicologie, il publie en 1985 son premier roman, Sommeil perdu. En 1997, Drôle de temps obtient le Prix de la nouvelle de l’Académie française et Le voyage en France le Prix Médicis 2001. La petite fille et la cigarette (2005) est traduit dans une vingtaine de langues et adapté au théâtre. À partir de 2006, il participe à de la revue littéraire L’Atelier du roman aux côtés de Milan Kundera et Michel Houellebecq. Après Livre pour adultes (2016), paraît En marche ! Conte philosophique en 2018. Son dernier récit, Les dents de la maire : souffrances d’un piéton de Paris (2020), s’apparente à un essai politique tragi-comique, autour de la figure d’Anne Hidalgo. Auteur d’émissions musicales sur France 3, France 5 et France Musique, il collabore à l’hebdomadaire Marianne, au Figaro littéraire et au Monde de la musique.
Lídia Jorge
Née en 1946 en Algarve, au Portugal, Lídia Jorge est une figure littéraire phare de l’après Révolution des œillets, auteure aussi bien de romans, nouvelles, contes, pièces de théâtre, essais, poésie que de littérature jeunesse. Commencée avec La journée des prodiges (1980), enracinée dans l’histoire portugaise, son œuvre compte Le rivage des murmures (1989), écrit après avoir résidé au Mozambique pendant la guerre coloniale, La dernière femme (1995), La couverture du soldat (1999, Prix Jean Monnet), Le vent qui siffle dans les grues (2004), Nous combattons l’ombre (2008, Prix Charles Brisset), La nuit des femmes qui chantent (2012) ou encore Les mémorables (2015). Son dernier roman, Estuaire (2019), a été finaliste du Prix Médicis. Traduit en plus de vingt langues, son travail reçoit de nombreux prix dont l’Internationaler Literaturpreis Albatros 2006 et le Premio FIL de Literatura en Lenguas Romances 2020.
Siri Hustvedt
Née en 1955 dans le Minnesota de parents d’origine norvégienne, Siri Hustvedt est une écrivaine, poétesse et essayiste américaine, également spécialisée dans les études psychiatriques. Après un doctorat en littérature anglaise à l’Université Columbia, elle publie son premier roman Les yeux bandés, en 1992. Suivent notamment les romans Tout ce que j’aimais (2003), Un été sans les hommes (2011), Un monde flamboyant (2014), qui connaissent un succès international. En 2010, son premier essai, La femme qui tremble. Une histoire de mes nerfs, enquête sur les troubles psychiatriques, tissant des liens entre sciences humaines et neurosciences. Depuis 2015, Siri Hustvedt est chargée de cours en psychiatrie à la faculté de médecine de l’Université Cornell. En 2012, elle reçoit le Prix international Gabarron pour la réflexion et les sciences humaines. En 2019, elle est récompensée par le Prix Princesse des Asturies pour l’ensemble de son œuvre et par le Prix européen de l’essai Charles Veillon pour Les mirages de la certitude. Essai sur la problématique corps/esprit (2018). Ses ouvrages sont traduits dans plus de trente langues.
Carsten Jensen
Né en 1952 à Marstal au Danemark, Carsten Jensen est écrivain et journaliste. Après une maîtrise ès-lettres de l’Université de Copenhague, il collabore au quotidien Politiken, puis à divers autres titres de la presse danoise. En 1997, il reçoit le Laurier d’or des libraires danois pour son récit de voyage Jeg har set verden begynde. À partir de 2001, il enseigne à la faculté des lettres de l’Université d’Odense. Son premier roman, Nous, les noyés, connaît un large succès critique et public en 2010, et lui vaut le prestigieux Danske Banks Litteraturpris ainsi que le Prix Gens de mer au festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo. En 2010, Carsten Jensen est lauréat du Prix Olof Palme. En 2017 est publié son monumental roman La première pierre sur l’engagement d’un groupe de militaires danois en Afghanistan. Son œuvre est traduite dans une vingtaine de pays.
Ludmila Oulitskaïa
Née en 1943 dans l’Oural, Ludmila Oulitskaïa est une écrivaine, dramaturge et scénariste russe. Diplômée de biologie et de génétique de l’Université de Moscou dans les années 1960, elle perd sa chaire pour avoir participé à la diffusion d’écrits interdits par le régime soviétique. Elle écrit des nouvelles, des pièces de théâtre et radiophoniques, mais ce n’est qu’après la chute de l’URSS que son travail est véritablement reconnu. Traduite internationalement, elle est l’auteure d’une quinzaine de fictions, dont Sonietchka (1996, Prix Médicis étranger), Médée et ses enfants (1998), De joyeuses funérailles (1999), Les sujets de notre tsar (2010), L’échelle de Jacob (2015), un texte partiellement autobiographique, ou Ce n’était que la peste (2021). Elle obtient notamment le Russian Booker Prize pour Le cas du docteur Koukotski (2003) et est nommée, en France, Chevalier des arts et des lettres en 2004.
Tomasz Różycki
Né en 1970 en Pologne, Tomasz Różycki est poète, essayiste et traducteur. Après des études en philologie romane à l’Université de Jagellone (Cracovie), il enseigne au collège de formation des maîtres de langues étrangères d’Opole. Son œuvre, publiée en France, Allemagne, Italie, Slovaquie et aux États-Unis, est emblématique d’une génération prise dans les fluctuations géopolitiques. Son long poème Dwanaście stacji (Les douze stations) reçoit le Prix de la Fondation Kościelski en 2004 et est nommé pour le Prix Nike 2005. Sont parus en français Les colonies (2006) et Bestiarium (2018). Traducteur de Mallarmé, Rimbaud et Segalen, il écrit aussi dans de nombreuses revues, en Pologne (Czas Kultury, Odra) et à l’étranger (Pen America).
Nota Bene : les dates de publication indiquées entre parenthèses sont celles de la parution ou de la traduction en français.
En lien
Press Release
Dossier de presse
Prix Jan Michalski de littérature 2021
Discours de Memorial par Irina Scherbakova, représentante des lauréat·es
Prix Jan Michalski de littérature 2021
Laudatio de Ludmila Oulitskaïa
Prix Jan Michalski de littérature 2021