Le Prix Jan Michalski de littérature 2014 est attribué à l’écrivain ukrainien Serhiy Jadan qui, avec son premier roman traduit en français La route du Donbass (Vorochylovhrad), propose une épopée déjantée de l’errance post-soviétique.
Lauréat·e
C’est un texte foisonnant, rempli d’humour, ponctué de trouvailles, riche en digressions improbables (l’arrivée du jazz dans le pays…), brouillant avec jouissance les conventions trop rassurantes. Car il faut sans doute un livre un peu « fou » pour rendre compte d’une réalité aussi complexe que celle de l’Ukraine, quelque temps avant les événements récents : un univers de clans et de débrouilles, de codes qui remplacent les lois officielles, de trafics et de combines, où il faut se serrer les coudes et s’accrocher à la vie, où le désir de liberté peut tenir lieu de religion.
Mais qui est-il, ce Guerman, que tout le monde appelle de préférence Guera, embarqué dans une histoire qui l’envoie parcourir le pays, de rencontre en rencontre, d’accroc en accroc, se soûlerie en soûlerie jusqu’à la mort de son vieux pote Choura le Traumatisé, un jour de poisse noire sur un aérodorme désaffecté que des pourris locaux veulent réquisitionner ?
Tout commence un jeudi matin cinq heures, quand téléphone le vieux Kotcha pour annoncer des problèmes : le frère de Guera, qui assumait toutes sortes de tâches, est parti à Amsterdam sans idée de retour. Il a quitté ses camarades et ils ont maintenant sur les bras une pompe à essence. Peut-être parce qu’il a envie de retourner sur les lieux de sa jeunesse, peut-être parce qu’il en a marre de ces combines administratives et politiques qui forment son quotidien, Guera décide d’aller voir sur place. C’est le début d’un enchaînement de mésaventures, de personnages hauts en couleur, de femmes admirables. Il faut vivre ce match de foot hallucinant face aux gaziers et qui traditionnellement se conclut par une baston ! Il faut suivre les raisonnements d’Ernst qui sonde les montagnes alentours à la recherches de chars nazis ensablés ! Il faut assister aux funérailles de « Maman », pleines de sexe, d’alcool et de tendresse ! Il faut voir la classe et la roublardise des Tsiganes ! Ou l’organisation des convois de contrebande ! Ou l’ambiance d’un camp de réfugiés mongols qui célèbrent une naissance à leur manière ! Ou l’énorme business des contrefaçons ! Tout est pris dans un tourbillon, c’est luxuriant et baroque, flamboyant et déglingué. Dans ces confins s’entassent les décombres et s’entrechoquent les peuples. Des gens réinventent une manière d’être ensemble. Pour certains d’entre eux, être un looser n’est pas une défaite, mais un art de vivre.
L’acuité du regard de Serhiy Jadan, sa capacité à transfiguer le réel par les pouvoirs de la langue font de La route du Donbass un livre rare, d’un ton singulier et d’une nécessité indiscutable : un grand roman de l’errance post-soviétique.
Lauréat du Prix Jan Michalski 2014, Serhiy Jadan reçoit une récompense de CHF 50’000.- ainsi qu’une œuvre photographique de Maurice Schobinger choisie à son intention : Metalurg Kombinat Chelyabinsk.
Biographie
Né en 1974 à Starobilsk, dans les régions minières d’Ukraine orientale, Serhiy Jadan est une figure du « Maïdan », la révolution populaire. Parmi ses projets récents : déboulonner avec quelques copains la statue de Lénine à Kharkiv. Dans cette ville russophone, l’idée a suscité une vive polémique au point que, le 1er mars 2014, lors d’une manifestation, Serhiy Jadan a été sauvagement battu par des militants prorusses.
Depuis des années, Serhiy Jadan multiplie les textes et les poèmes. Il organise des festival de musique et de débats. On le découvre aussi bien chanteur de rock que spécialiste du futurisme ukrainien (il a rédigé une thèse sur ce sujet). Publié en 2010 en Ukraine, La route du Donbass a eu un retentissement considérable. C’est le premier roman de Serhiy Jadan traduit en français.
Sélections
La route du Donbass
Proposé par Ilma Rakusa
Dispatcher: Lost and Found in Johannesburg
Proposé par Isabel Hilton
The Taste of Ashes: The Afterlife of Totalitarianism in Eastern Europe
Proposé par Ilma Rakusa
The Taste of Ashes: The Afterlife of Totalitarianism in Eastern Europe
Proposé par Ilma Rakusa
Dispatcher: Lost and Found in Johannesburg
Proposé par Isabel Hilton
La route du Donbass
Proposé par Ilma Rakusa
China’s War with Japan: The Struggle for Survival
Proposé par Isabel Hilton
Confiteor
Proposé par Vera Michalski-Hoffmann
The Taste of Ashes: The Afterlife of Totalitarianism in Eastern Europe
Proposé par Ilma Rakusa
Dispatcher: Lost and Found in Johannesburg
Proposé par Isabel Hilton
La route du Donbass
Proposé par Ilma Rakusa
China’s War with Japan: The Struggle for Survival
Proposé par Isabel Hilton
Confiteor
Proposé par Vera Michalski-Hoffmann
Atavismes
Proposé par Marek Bieńczyk
Oublier, trahir puis disparaître
Proposé par Yannick Haenel
Second Childhood
Proposé par Ugo Rondinone
Enon
Proposé par Ugo Rondinone
Bonavia
Proposé par Robert Menasse
Engel des Südens
Proposé par Robert Menasse
Salki
Proposé par Marek Bieńczyk
Jury
Vera Michalski-Hoffmann, Présidente du jury
Editrice, Vera Michalski-Hoffmann s’est investie pour promouvoir la littérature en créant le groupe éditorial Libella avec Jan Michalski. A partir de 1986, de nombreux auteurs ont été traduits en français et en polonais dans les maisons d’édition Noir sur Blanc, Buchet-Chastel, Phébus et Wydawnictwo Literackie. En 2004, Vera Michalski créée la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature avec pour mission de promouvoir le goût de lire et d’apporter un soutien aux écrivains.
Marek Bieńczyk
Né en 1956 à Milanowek en Pologne, Marek Bieńczyk est romancier, essayiste, traducteur. Il a publié entre autres des romans : Terminal, Tworki, des romans-essais : Mélancolie, Transparence, et des essais : Les yeux de Dürer, Chroniques du vin. Il est également chroniqueur à la revue L’atelier du roman. Ses ouvrages ont été traduits en français, anglais, allemand, espagnol. Il a reçu de nombreux prix dont le Paszport Polityki (1999), le Prix Reymont (2000), le Grand Prix du Festival Littératures du Monde (2006), le Grand Prix de la Francophonie de l’Académie française (2003) et récemment le plus prestigieux prix littéraire polonais, Nike (2012) pour Le livre des visages. Il est membre de la direction du Pen Club polonais et travaille à l’Académie polonaise des Sciences.
Yannick Haenel
Ecrivain et essayiste français, Yannick Haenel s’inspire souvent de réalités historiques pour l’écriture de ses romans, notamment celui consacré à la vie du résistant polonais Jan Karski qui fut doublement récompensé en 2009 par le Prix Interallié et le Prix du roman Fnac. Il est également l’auteur de Evoluer parmi les avalanches, Introduction à la mort française, Cercle, ou Le sens du calme, et coanime la revue Ligne de risque. Il a été promu Chevalier des Arts et des Lettres en janvier 2010.
Isabel Hilton
Née en 1949 à Aberdeen, Isabel Hilton est une écrivaine et journaliste établie à Londres. Entre 1973 et 1975, elle entreprend des études de sinologie à l’Université d’Edinburgh qu’elle poursuit à l’Université des langues et cultures de Pékin puis à l’Université Fudan de Shanghai. Elle intègre plusieurs journaux en tant que chroniqueuse, tels que The Sunday Times en 1977, The Independent en 1986 et The Guardian en 1997. Entre 1995 et 1998, elle présente The World Tonight sur BBC Radio 4 puis, dès 1999, Night Waves sur BBC Radio 3. Elle publie son premier livre, The Search for the Panchen Lama, en 1999. Elle est également fondatrice et rédactrice en chef de China Dialogue, une organisation indépendante à but non lucratif.
Robert Menasse
Né en 1954 à Vienne, Robert Menasse est un écrivain, traducteur et essayiste autrichien. Son oeuvre est essentiellement constituée de romans et d’essais sur la culture autrichienne, comme Schubumkehr et Erklär mir Österreich, mais aussi de livres pour enfants, comme Der mächtigste Mann. Très concerné par les développements politiques et culturels de son pays, il publie régulièrement ses points de vue dans la presse. Il a en particulier reçu le Prix Doderer en 1991 pour La pitoyable Histoire de Leo Singer, le Prix National autrichien de l’essai en 1998 et, en 2007, le Prix Amphi pour Chassés de l’enfer.
Ugo Rondinone
Né à Brunnen en 1964, l’artiste suisse Ugo Rondinone a étudié à la Hochschule für Angewandte Kunst à Vienne. Il élabore depuis plus de vingt ans une oeuvre caractérisée par sa grande diversité de médias : peinture, graphisme, sculpture, photographie, vidéo et son. En 2007, il a représenté la Suisse à la Biennale de Venise. Ses oeuvres se trouvent notamment dans les collections du New Museum of Contemporary Art à New York. Il a exposé dans de nombreux pays européens ainsi qu’aux Etats-Unis.
Ilma Rakusa
Ecrivaine et traductrice couronnée de nombreux prix, Ilma Rakusa est née en 1946 en Slovaquie. Son enfance trouve refuge à Budapest, Ljubljana et Trieste, puis à Zürich où elle fait des études de slavistique et de littérature romane. Depuis 1977, elle a écrit de nombreux recueils de poèmes, récits et essais en allemand, dont certains primés, entre autre par le prestigieux prix Adalbert Chamisso. Mehr Meer a été récompensé en 2009 par le Schweizer Buchpreis. Ilma Rakusa traduit également du français, du russe et du hongrois et travaille comme journaliste pour la NZZ et Die Zeit.