Denis Johnson
Les monstres qui ricanent
Une nouvelle fois, on ressort un peu sonné·e de la lecture des Monstres qui ricanent (C. Bourgois, 2015), de l’écrivain américain Denis Johnson. Cette récurrence d’un monde – notre monde – plongé dans un cauchemar éveillé n’épargne en effet aucun livre de l’écrivain américain, ni aucun des lieux dans lesquels il campe l’action. Que ce soit dans la paix relative de nos démocraties occidentales ou dans des zones plongées dans le chaos des guerres, les protagonistes semblent toujours pris·es dans des hallalis protéiformes parce qu’ils ne savent plus vraiment qui ils·elles sont, ni pour qui ils·elles travaillent. A l’instar de Roland Nair, le protagoniste des Monstres qui ricanent, on se souviendra, par exemple de la protagoniste Des étoiles à midi (C. Bourgois, 2003, catalogue), une jeune américaine plongé dans un Nicaragua en pleine guerre civile. Est-elle une prostituée ? Une employée d’une ONG ? Une journaliste ? Tout cela à la fois ?Tout prédisposait Denis Johnson à vadrouiller de par le monde. Né en Allemagne en 1949, il passe son enfance au Japon, aux Philippines, au gré des affectations de son père militaire. Ce terreau de souvenirs et de sensations suinte irrémédiablement dans toutes ses œuvres – notamment par cette capacité à planter un décor en quelques mots. Dans Les monstres qui ricanent, Denis Johnson revient une nouvelle fois vers cette Afrique conradienne de son recueil Pistes (C. Bourgois, 2003, catalogue), qui regroupait une série de reportages effectués pour de grands magazines américains durant les années 90 dans les moments les plus durs des guerres qui ravageaient la Somalie et le Libéria.Dans son grand œuvre Arbre de fumée (C. Bourgois, 2008, catalogue), primé en 2007 par le National Book Award, Denis Johnson décrit les désenchantements du monde au Vietnam. Comme Don DeLillo, il a cette capacité à parler du présent à travers une multitude de prismes, de personnages poignants et perdus. Denis Johnson ne s’intéresse qu’aux débuts et aux fins de parties. Le milieu n’est qu’un bruit blanc sans intérêt. Il préfère les champs de bataille agonisants ou les actions faites en sous-main sur la terrasse de l’Intercontinental de Saigon, avant que l’histoire officielle et médiatique ne prenne ses marques.
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