Hanns Zischler
Berlin est trop grand pour Berlin
« La forme d’une ville change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel ». Hanns Zischler pourrait faire siens les vers de Charles Baudelaire pour son Berlin est trop grand pour Berlin (Macula, 2016). De destructions incessantes (et cela même avant les bombardements de la deuxième guerre mondiale) en reconstructions sans plan réel d’urbanisme, la ville de Berlin n’a jamais réussi qu’à devenir le fantôme de la ville internationale qu’elle aurait voulu être. La réédition de ce Berlin est trop grand pour Berlin (épuisé dans une version courte depuis quelques années) aux éditions Macula est la bienvenue pour comprendre cette histoire et la sensation étrange que l’on peut ressentir en déambulant dans cette ville.Connu comme photographe, réalisateur et acteur (une filmographie imposante allant de Wim Wenders, Steven Spielberg, Jean-Luc Godard à Olivier Assayas), Hanns Zischler est aussi écrivain. On lui doit notamment Kafka va au cinéma (Cahiers du cinéma, 1996, catalogue) ou encore le roman La fille aux papiers d’agrumes dont la traduction est parue en 2016 aux éditions Christian Bourgois (Collection Détroits). Berlin est trop grand pour Berlin est une succession de tableaux où s’enchevêtrent « prose discontinue et extraordinairement ductile, (…) comme une nasse très souple », plans de ville, planches botaniques, et photographies. On y croise la figure de la poétesse Gertrud Kolmar, un assemblage photo d’un trajet de bus de la Brixplatz (Charlottenburg-Westend) à Stralau (Friedrichshain) ou encore le mystérieux Oskar Huth et ses échappées belles en pleine seconde guerre mondiale.Ainsi Hanns Zischler arpente la ville de Berlin depuis plus de quarante ans en déroulant sa « phrase urbaine » à la manière de Walter Benjamin, Franz Hessel, W.G. Sebald ou encore Jean-Christophe Bailly. Loin d’être un constat désabusé sur Berlin, (ce serait même plutôt l’inverse) cet ouvrage est un véritable appel à l’art du regard sur les petits riens qui nous entourent. À l’utopie, aussi, comme dans la proposition de l’écrivain d’ériger sur le site de l’ancien aéroport de Tempelhof cette tour restée à l’état de projet de Vladimir Tatline.
Une littérature prenant des chemins de traverse, abordant les lieux, l’histoire, les objets sous des angles inhabituels, et s’affirmant de plus en plus dans l’édition actuelle.
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